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Télétravail : la Société Générale va-t-elle faire école ? 24 septembre 2025 Option Finance

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BANQUE & ASSURANCE

Télétravail : la Société Générale va-t-elle faire école ?

Publié le 24 septembre 2025 

Sylvie Guyony   

Après la décision de Société Générale de limiter drastiquement le télétravail, les interrogations se font pressantes sur le retour au bureau, dans la banque et l’assurance. Mais le télétravail est devenu un acquis structurel dans la plupart des entreprises du secteur.  Il sera, toutefois, de plus en plus encadré.

Le 18 septembre, une bonne centaine de salariés de Société Générale ont manifesté au pied des tours de La Défense. En cause, la décision annoncée le 19 juin par le directeur général Slawomir Krupa d’harmoniser le télétravail (TT) dans l’ensemble des pays où la banque est implantée. Ainsi, dans un an, les salariés français, quel que soit le métier, n’auront plus qu’« un jour maximum par semaine ». L’intersyndicale (CFDT, CFTC, CGT) estime pourtant, au lendemain de cette troisième mobilisation (après les 27 juin et 3 juillet), que l’accord de 2021, qui prévoit en moyenne deux jours de télétravail hebdomadaire en France, répond « aux exigences opérationnelles, organisationnelles, collectives et individuelles », contenant même des « possibilités d’adaptation en cas de difficultés constatées ». Quelles seraient celles rencontrées par les groupes de la banque ou de l’assurance, à l’échelle internationale ou domestique ?

Si chaque pays a une législation et des pratiques différentes, en comparaison, le cadre mondial adopté en 2023 par Crédit Agricole SA permet aux 75 000 salariés de ses entités (dans 46 pays) de réaliser jusqu’à 40 % de leur temps de travail annuel en TT. Autre exemple, chez BNP Paribas, l’accord conclu avec l’UNI Global Union en novembre 2024 (pour quatre ans, 183 000 salariés, 63 pays) définit un socle commun à une organisation entre télétravail et présentiel. « L’une de nos priorités est que, dans l’ensemble de nos géographies, tous nos collaborateurs soient traités avec respect et que les conditions de travail assurent la santé physique et mentale de nos équipes y compris dans un contexte de travail hybride », déclare Sofia Merlo, directrice des ressources humaines (RH) du groupe dans un communiqué.

En France, les salariés de BNP Paribas bénéficient de 1 à 2,5 jours de TT hebdomadaire en moyenne, comme dans la plupart des banques. La pratique est désormais bien cadrée, y compris dans les établissements sans présence syndicale depuis avril dernier. Dans les autres, la prochaine vague d’accords (de deux à quatre ans) se profile en 2027. A ce jour, personne, au-delà du groupe Société Générale, n’évoque un ou zéro jour hebdomadaire de télétravail. La décision de Société Générale pourrait-elle, tout de même, avoir une influence sur le secteur ? Les syndicats bancaires ne le pensent pas. Ils ne voient pas les accords, signés très récemment (comme celui conclu en novembre avec la direction de BNP Paribas) remis en cause dans un proche avenir. Et ils jugent le télétravail bien établi, la Société Générale devant rester une exception…

Un secteur de l’assurance précurseur

Pourtant, « le télétravail n’est pas un droit acquis », rappelle Béatrice Biga, responsable projets organisation du temps de travail, télétravail, et futur du travail à la MAIF, qui pérennise cette modalité depuis 2015 par des accords quinquennaux, OSER – pour organisation souple épanouissante et responsabilisante. Mais il est perçu comme tel, surtout par les jeunes. Le TT, qui s’est généralisé après la Covid-19, est devenu un facteur d’attractivité et de rétention des collaborateurs.

De ce point de vue, le secteur de l’assurance a été précurseur en matière d’accords : Axa France a mis en place une organisation hybride dès 2008. Dans la banque, chez Société Générale, ce modèle a été adopté en 2012, rappelle l’intersyndicale dans sa déclaration du 19 septembre, l’année de son intégration au Code du travail*. Il a par ailleurs fait l’objet d’accords anciens, en 2015 pour Natixis ou 2019 pour Crédit Agricole. « Les accords ont été signés initialement sur des durées limitées, mais le télétravail est devenu pour beaucoup un réel acquis social », souligne Philippe Vervloedt, associé et directeur général du cabinet de conseil Yellow Advisory.

Si un retour au bureau est initié, les renouvellements récents d’accords se fondent sur le compromis. Ainsi, Axa France a réaffirmé l’an dernier son « attachement à l’organisation du travail hybride et la culture de confiance qui l’accompagne » en maintenant jusqu’à trois jours par semaine de TT, mais deux jours minimum sur site, « en droite ligne avec la culture du collectif ». Cet accent sur le présentiel est « probablement une posture de négociation, selon Christophe Nguyen, co-fondateur du cabinet Empreinte Humaine.

«Le télétravail n’est pas un droit acquis.»
Béatrice Biga Responsable projets organisation du temps de travail, télétravail, et futur du travail ,  MAIF

Surtout, les règles s’ajustent aux usages. A la MAIF, le TT s’exerce « par défaut au domicile, mais nous avons pris en compte d’autres lieux, d’abord exceptionnellement. Depuis un an, nous avons enlevé le caractère exceptionnel de cette condition », explique Béatrice Biga. Pour autant, « la règle pivot est la présence obligatoire hebdomadaire : au moins deux jours, parfois trois si le manager le juge nécessaire ». Une souplesse est accordée aux aidants, dans les situations d’inconfort et les cas exceptionnels. S’être installé à l’autre bout de la France n’évite pas de se rendre au bureau ! « A la MAIF, l’entreprise c’est “faire collectif” », insiste la responsable RH.

La banque s’inscrit dans cette logique. BNP Paribas veille ainsi à « la préservation du lien social et à la dynamique des collectifs de travail ». Partout, les accords prévoient différents rythmes, cas particuliers et exceptionnels. Beaucoup ajoutent une journée de cohésion, telles la Caisse d’épargne des Hauts-de-France.

Un sujet sensible dans les banques qui réduisent leur maillage territorial

Pour autant, des adaptations sont prévues, selon les fonctions. « Tous les métiers ne sont pas éligibles au télétravail et les écarts de rythmes très significatifs : jusqu’à trois jours par semaine dans certaines directions centrales et parfois rien en agence », pointe Philippe Vervloedt. La problématique s’est posée à la MAIF en 2015, ses agences étant fermées le samedi, alors que le service commercial est assuré ce jour par téléphone. Aujourd’hui, tous les salariés ont accès au TT, mais, pour ceux présents en agence, la majorité des forfaits est de quatre jours par mois, soit un jour par semaine, tandis que, sur les plateaux téléphoniques de gestion des sinistres, 79 % des salariés télétravaillent, à raison de 12 jours par mois pour 50 % d’entre eux. Au siège, ils sont 77 % à télétravailler.

Pour les banques qui réduisent leur maillage territorial, le sujet est sensible. Chez BNP Paribas, alors qu’un tiers des agences, soit environ 500, fermeront d’ici 2030, le taux minimal de présence obligatoire a été réduit, de 75 % à 60 % dans les structures d’au moins sept postes. Une expérimentation sera lancée l’an prochain pour favoriser le TT dans celles de cinq postes et plus. Mais la plupart des groupes bancaires ferment leurs petites agences de ville, c’est notamment dans le plan stratégique de Crédit Mutuel Alliance Fédérale.

Les adversaires du télétravail mettent en avant la difficulté de le maintenir dans ce contexte de fermeture des agences. Mais les problèmes ne seraient-ils pas ailleurs ? « Au-delà de la question de l’équité, l’étude que nous avons menée en 2024 auprès des conseillers en agences montrait leur difficulté à organiser leur temps au quotidien : surcharge de contrôles, complexité des processus avec les back-offices, multiplication d’interactions digitales avec les clients difficiles à anticiper, et interventions sur plusieurs sites pour les conseillers professionnels», souligne Philippe Vervloedt.

Pour ses pourfendeurs, le TT serait la cause de tous les maux, y compris un absentéisme et des comportements individualistes croissants. Mais les spécialistes RH n’approuvent pas cette approche. « Ce n’est pas directement le télétravail qui crée ou développe l’individualisme, nuance Christophe Nguyen. C’est le manque de reconnaissance collective : donner du sens au travail, au-delà du délivrable”, évaluer sa qualité comme finalité d’un objectif commun, etc. Souvent, les objectifs sont uniquement individuels, ce qui nuit à l’expérience salariée. »

Les risques psychosociaux ne sont « pas davantage l’effet du télétravail mais de son exercice, ajoute-t-il. Le manager doit veiller aux signaux faibles et créer du lien : son rôle est plus qualitatif. » Chez Axa France, Covéa ou à la MAIF, il définit aussi, en amont, les modes de fonctionnement et valide la capacité du collaborateur à être éligible au TT. « Nos 800 managers sont formés à l’organisation hybride. Ils établissent un échange annuel avec chaque personne de leur équipe à laquelle ils adressent un avis, précise Béatrice Biga. Le collaborateur produit sa propre convention, valable un an. » 

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