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vendredi, 26 mai 2023 09:29

AG des actionnaires : Saison 2023 - 26 Mai 2023 Spécial

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TOURNANT HISTORIQUE - 23 Mai 2023


Cette Assemblée Générale des actionnaires de la SG devait marquer un tournant historique. Et cela a été le cas : cette année, les organisateurs ont enfin pensé à la traduction simultanée des débats en langue des signes. Pour le reste le show a été – au moins en apparence – presque identique à celui des années précédentes. Frédéric Oudéa a en effet monopolisé la parole autant que les autres années et c’est à peine si Slawomir Krupa a pu mettre le pied sur l’estrade au cours des 3h de présentation et d’échanges. Malgré les quelques amabilités doucereuses et les compliments de façade échangés, on comprend vite que le processus de succession a laissé quelques traces. D’ailleurs, Sébastien Proto n’est pas venu et a préféré cacher sa déception plutôt que d’assister à l’intronisation de son rival plus heureux.

Pour le reste, nous avons eu droit aux banalités habituelles au sujet de l’environnement macro-économique compliqué et des mutations stratégiques nécessaires. Les résultats 2022 sont présentés par Claire Dumas qui les présente pour la dernière fois en mettant en avant le ROTE (de 9,6%), mesure choisie depuis quelques années pour rendre plus flatteuse la rentabilité de la banque dans la communication. Slawomir Krupa a précisé le sur lendemain lors du all-staff meeting ce qu’il pensait de cet indicateur dont pas un investisseur ne faisait grand cas. Mais il a eu au moins le mérite de camoufler le trou de 3,3 milliards d’euros provoqué par la retraite de Russie. Il faut quand même être le roi de la pirouette pour réussir à présenter ce fiasco stratégique prévisible en retraite élastique réussie.

Mais pour en revenir aux résultats, la débâcle russe ne va pas empêcher la distribution de 2,25 milliards d’euros aux actionnaires sous forme de dividendes et de rachats d’actions. Autre point à relever de la présentation de Claire Dumas, c’est la chute rapide du coefficient d’exploitation au cours des dernières années. Il est passé de 69% en 2019 à 61% en 2022 (en passant par 64,4% en 2021) et s’établit donc à un niveau comparable avec celui de BNP Paribas et à peine supérieur à celui de Crédit Agricole. Il a même continué de baisser au 1er trimestre 2023, à 60,5%. C’est l’effet direct de la baisse réelle de vos rémunérations depuis 2020 sous l’effet de l’explosion de l’inflation tandis que le RBE a bondi de 8,5 milliards à 10,1 mds. Pour simplifier, votre travail a créé 1,6 milliard de richesse en plus pour l’entreprise et l’obstination de la direction générale à ne pas tenir compte du risque géopolitique russe en a détruit 3,3 milliards.

Mais lorsque Frédéric Oudéa revient pour nous parler de stratégie, c’est pour souligner à quel point la sienne a été géniale. Comme il est fort en dissertation, il présente son bilan en 3 parties bien équilibrées :

  • 2008-2012 : gestion des crises et de leurs impacts
  • 2012-2019 : remédiations et projections vers l’avenir
  • 2020-2023 : retour des crises et différenciation stratégique

Il insiste ensuite sur l’héritage précieux qu’il laisse à son successeur :

  • L’émergence d’un modèle unique dans la banque de détail en France, avec un Boursorama complémentaire de la nouvelle marque SG.
  • La création d’un leader mondial de la mobilité durable avec l’acquisition de LeasePlan par ALD qui va créer une valeur boursière ESG de référence en Europe.
  • La consolidation de notre banque de grande clientèle et solutions investisseurs.
  • L’accélération des transformations digitales et climatiques.

Le tout est présenté de façon à laisser penser que le rôle de Slawomir Krupa sera seulement de prendre soin de cette stratégie géniale et que toute difficulté sera forcément le fruit d’une application maladroite ou d’une initiative malvenue dans le cadre déjà tracé. Tout cela c’est grâce à la nouvelle culture qu’il a su insuffler dans le Groupe : « plus innovante, plus responsable et plus en ligne avec la satisfaction durable des clients ». Il aurait toujours agi avec intégrité et instauré une culture de transparence et aurait « servi sans se servir », « avec frugalité ». On peut voir ces deux dernières précisions comme des piques lancées à son successeur, dont la future rémunération a suscité quelques remous parmi les actionnaires. La résolution la concernant ne recueillera que 78,8% des voix lors du vote final, ce qui marque un début de contestation. Mais quand même ! oser la frugalité quand on part avec 6 mois de fixe en guise de non-concurrence qui viendront se cumuler à une rémunération de président de Sanofi – l’un des mieux payés du CAC40 – ainsi qu’aux jetons de présence chez ALD et CapGemini, c’est peut-être un peu trop… Les applaudissements finaux sont polis, pas enthousiastes.

Je passe sur la présentation de la politique RSE par Diony Lebot, qui est assez semblable à celle de l’année dernière et repose toujours sur 4 piliers :

  • Transition écologique
  • Développement des territoires : il paraît que la suppression d’agences avec la fusion est la preuve de l’ancrage local
  • Employeur responsable : espaces de travail inclusifs, salaires motivants etc… il ne faut pas travailler à la SG pour y croire
  • Culture de responsabilité

Après une deuxième couche sur le même sujet par Jean-Bernard Levy, qui occupe les fonctions de censeur (considérées en général comme inutiles en France), Lorenzo Bini-Smaghi passe rapidement sur le gouvernement d’entreprise et c’est enfin au tour de Slawomir Krupa de venir prononcer quelques mots. Comme ses annonces stratégiques ne seront dévoilées que le 18 septembre prochain, il s’est contenté de rappeler l’importance de la culture SG et son intention de renforcer l’attractivité de la banque dans tous les domaines. Nous l’attendons déjà sur les salaires et la P+i.

Il a ensuite été invité à rejoindre la public. J’ai pu assister à d’autres passations au sein d’entreprises du CAC40 et l’usage est quand même d’équilibrer les temps de parole entre le sortant et le nouveau responsable. Histoire d’illustrer la continuité. Pas à la SG on dirait, et c’est donc Gérard Mestrallet qui a pris la suite pour nous présenter les nouveaux administrateurs et préciser que l’extension de l’âge limite pour le Président n’était pas destinée à une prolongation de Lorenzo Bini-Smaghi.

La présentation de la politique de rémunération par Jérôme Contamine est ensuite un sketch. Il faut dire qu’il doit trouver le moyen de justifier la frugalité toute relative de la rémunération de Frédéric Oudéa, qui n’est pas du tout affectée par le fiasco russe, ainsi que l’augmentation conséquente accordée à son successeur. Pas simple. Alors pour détourner l’attention, il sort une statistique affirmant que la rémunération moyenne à la SG est de 88.200 euros – ce qui est beaucoup – et la rémunération médiane de 60.900 euros, le tout en forte progression d’une année sur l’autre. Il n’y a qu’une seule explication possible à ces chiffres difficilement crédibles, les chargés de communication ont additionné tout ce qu’il ont pu trouver, y compris les attributions d’actions gratuites qui ne bénéficient qu’à une petite minorité des employés de la banque. C’est ce que traduit d’ailleurs l’écart important entre la moyenne et la médiane.

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Quoi que puissent faire croire les statistiques biaisées affichées au cours de l’AG, vous avez perdu en moyenne 15% de pouvoir d’achat en 3 ans.
C’est ça la réalité de la politique salariale de la SG. Aussi peut-on se demander pourquoi Slawomir Krupa a encore insisté lors de son All staff meeting sur la nécessité de faire davantage d’économies. Les salariés n’ont pas encore été assez pressurés ?

La séance de questions a donné lieu à quelques échanges intéressants, plus sur la forme que le fond. Certains numéros paraissent un peu préparés, comme l’intervention de la représentante de l’ONG écologiste Share Action qui remercie Frédéric Oudéa pour le désengagement de la banque du charbon et lui demande quand elle fera de même pour le gaz et le pétrole. Il lui répond par un joli laïus au cours duquel il souligne qu’il ne sera malheureusement plus à la tête de la banque. Elle s’en contente, mais pas sa collègue de Reclaim Finance qui précise d’emblée qu’elle veut une réponse du vrai boss, c’est-à-dire Slawomir Krupa. Autant vous dire que Frédéric a fait la moue. Cela a permis d’apprécier la différence de style entre l’ancien et le nouveau DG : pas de formules dilatoires cette fois-ci, simplement le rappel qu’une transition est un phénomène progressif et complexe, qui doit concilier différents impératifs. La militante écologiste n’a pas d’engagement plus précis, mais elle a au moins des éclaircissements sur la méthode qui sera suivie.

Je vais terminer par l’intervention d’une collègue et qui a jeté avec beaucoup de culot au visage de Frédéric Oudéa que les grandes déclarations au sujet de «l’esprit d’équipe» ou de «l’avenir, c’est vous», c’était bien joli mais qu’elle avait l’impression qu’elles valaient surtout pour justifier les sacrifices demandés aux salariés pendant que les pontes de la direction générale « se gavaient». Piqué au vif, l’apôtre de la frugalité lui a répondu vertement en essayant de s’appuyer sur les chiffres biaisés que je mentionnais plus haut. Mais ce qui l’a sans doute le plus vexé, c’est qu’elle a été beaucoup plus applaudie que lui…

Résultats des votes sur les résolutions

Nous avons reçu au total 324 669 droits de vote (236 mandats) contre 329 899 droits de vote (275 mandats) en 2022 et 268 490 en 2021. Comme l’année dernière, les droits de vote que vous nous avez confiés représentent 0,08% des votants.

 
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Lu 3454 fois Dernière modification le vendredi, 26 mai 2023 12:37

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