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jeudi, 17 juillet 2025 16:33

François Bayrou annonce un tour de vis social pour enrayer la dette et relancer la production - 15/07/2025

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SOCIAL EXPERT DU 16/07/2025

François Bayrou annonce un tour de vis social pour enrayer la dette et relancer la production

Le 15 juillet 2025, le Premier ministre a présenté son plan de retour à l’équilibre de la dette sur 4 ans. Pour l’année 2026, le but est de réaliser un « effort » de 43,8 milliards d’euros. Il s’accompagnera d’un plan de relance de la production, dont l’un des piliers porte sur le travail. Au total, de nombreuses mesures sociales ont été annoncées, qui intéresseront les entreprises et les salariés. Au menu, notamment, la suppression de jours fériés, la réduction des dépenses de santé et la lutte contre la hausse des arrêts maladie, l’ouverture de deux nouvelles négociations entre partenaires sociaux (assurance chômage, marché de l’emploi et qualité du travail).

Le contexte selon le Premier ministre

Le Premier ministre a présenté un plan visant à reprendre la maîtrise de la dette de la France, dont il juge la trajectoire actuelle insoutenable.

Ce plan pluriannuel de retour à l’équilibre de la dette sera étalé sur 4 ans, avec pour objectif de faire passer le déficit à 4,6 % en 2026, 4,1 % en 2027, 3,4 % en 2028 pour atteindre le seuil de 2,8 % en 2029, ce qui permettrait d’arrêter l’augmentation de la dette.

En parallèle, François Bayrou a présenté un plan visant à relancer la production et l’activité, estimant qu’il fallait « réconcilier notre pays avec le travail ».

Les réformes qui seront engagées pour la mise en œuvre de ces plans reposeront sur les principes suivants :

- maîtrise de la dépense publique ;

- une année blanche en 2026 ;

- participation de tous à l’effort ;

- protection de la compétitivité des entreprises ;

- encouragement et facilitation du travail ;

- effort supportable par tous.

L’année 2026 sera la première étape du plan pluriannuel, qui exigera un « effort total de 43,8 milliards d’euros ».

Nous nous focaliserons ici sur les annonces susceptibles d’avoir un impact RH intéressant les employeurs, les salariés et leurs représentants.

S’il en était besoin, on soulignera qu’à ce stade, ces mesures restent à prendre pour ce qu’elles sont, à savoir de simples annonces, au demeurant à préciser pour nombre d’entre elles. Pour qu’elles deviennent applicables, il faudra les traduire ensuite dans les textes, ce qui ne va pas de soi ou peut conduire à accepter des compromis. Chacun connaît la composition fragmentée de l’Assemblée nationale et son corollaire… l’épée de Damoclès qui pèse sur le gouvernement, toujours à la merci d’une éventuelle motion de censure.

Proposition de supprimer deux jours fériés

Une des mesures les plus « médiatiques » est la proposition du Premier ministre de supprimer deux jours fériés de manière générale, citant, à titre d’exemples, le lundi de Pâques et le 8 mai. « Ce sont des propositions », a poursuivi François Bayrou, se disant « prêt à en accepter ou en examiner d’autres ».

Le Premier ministre a pris soin de souligner que cette annonce devait bien s’entendre comme la suppression de jours fériés, et qu’il ne s’agissait pas de créer deux nouvelles journées de solidarité. Il s'agit d'avoir véritablement deux jours de travail en plus, en évitant les travers de la journée de solidarité. On sait en effet que les modalités d’accomplissement de la journée de solidarité varient parfois grandement selon les entreprises, avec dans le cas le plus extrême environ 2 minutes en plus par jour (journée de solidarité répartie sur l’année, ce qui revient à « en faire cadeau » aux salariés), à comparer à ceux qui doivent véritablement travailler un jour de plus, ou ceux pour qui le mécanisme se traduit par la perte d’un jour de RTT.

Si on se situe hors cadre de la journée de solidarité, la logique aurait voulu qu’il n’y ait pas d’augmentation de la contribution de solidarité pour l’autonomie en contrepartie. Mais mercredi 16 juillet au matin, sur TF1, Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du Travail et de l'emploi, a laissé entendre qu’il y aura bien une contribution des entreprises en parallèle de la suppression des deux jours fériés.

Le cabinet de la ministre a confirmé cette orientation et précisé vouloir discuter de la proposition suivante avec les partenaires sociaux : deux jours qui sont actuellement payés mais non travaillés deviendraient deux jours travaillés, avec à la charge de l’entreprise une contribution à reverser à l’État, dont le montant (taux, assiette, etc.) sont à définir. Les modalités de cette contribution restent donc à préciser (cela passera-t-il par une hausse de la contribution solidarité autonomie ? si oui, dans quelle proportion ?).

Cela étant, la question des jours fériés et du coût du travail faisant sans doute partie des sujets « inflammables » avec les syndicats et les organisations patronales, reste à voir où le curseur s’arrêtera, si l’annonce du Premier ministre doit se concrétiser.

Réduction des dépenses de santé et lutte contre les arrêts maladie

Selon le Premier ministre, les dépenses de santé augmenteront de 10 milliards d’euros dès l’année prochaine si rien n’est fait.

Le gouvernement entend donc limiter cette hausse de 50 %, soit des économies de 5,5 milliards d’euros. Pour ce faire, Matignon entend s’appuyer sur des propositions des parlementaires, des partenaires sociaux, des acteurs de la santé, de la Caisse nationale d’assurance maladie.

Parmi les mesures envisagées, on retiendra en particulier les suivantes, qui pourront avoir un impact direct en entreprise.

Du côté de la responsabilisation des patients, les plafonds annuels des franchises et participations forfaitaires, ainsi que des montants payés sur les médicaments et sur les actes médicaux, seraient revalorisés. Ce plafond pourrait passer de 50 à 100 € par an.

Côté prévoyances santé d’entreprise, ces mesures auront peut-être (sans doute ?) un impact sur le cahier des charges des contrats « responsables ».

La réforme du régime des affections de longue durée (ALD) figure également au rang des annonces, avec l’objectif de « sortir de ce statut les patients dont l’état de santé ne le justifie plus ». Il serait également mis fin au « remboursement intégral des médicaments sans lien avec l’affection déclarée ou à faible effet médical ».

Pour lutter contre « l’explosion » des arrêts maladie, deux types de mesures seraient mobilisés.

Dès 2026, les salariés en arrêt de travail pour accident ou maladie à caractère non professionnel pourraient reprendre le travail sans passer devant la médecine du travail (à l’heure où nous rédigeons ces lignes, une visite de reprise est obligatoire à partir de 60 jours d’arrêt de travail). Pour les arrêts « longs », ce serait le médecin ou le spécialiste du salarié qui déterminerait la possibilité de reprise du travail.

À noter : à notre sens, cette annonce reste à préciser. La règle connaîtra peut-être son lot d’exceptions.

Par ailleurs, le Premier ministre entend mettre fin à ce qu’il qualifie de « dérive » sur les arrêts maladie, sans donner plus de détail. Si l’on se réfère au dossier de presse, l’exécutif envisage, après négociation avec les partenaires sociaux, « une réforme structurelle visant à responsabiliser les entreprises sur la prévention et les salariés contre les arrêts abusifs en intégrant la réforme des indemnités journalières ». Reste à voir ce que recouvre très concrètement l’annonce du Premier ministre (jours de carence d’ordre public non indemnisés par l’employeur ? transfert de l’indemnisation de certains jours d’arrêts de travail vers l’employeur ? combinaison des deux ? autres mesures ?).

De son côté, sans être plus précise, la ministre chargée du Travail et de l'emploi, Astrid Panosyan-Bouvet, a également évoqué le thème des arrêts de travail, parmi ceux devant figurer au menu de la négociation sur le marché de l’emploi et la qualité de l’emploi qui va prochainement s’ouvrir (voir plus loin).

Nouvelle négociation sur l’assurance chômage, ruptures conventionnelles

Dans les prochains jours, le gouvernement va proposer aux partenaires sociaux de rouvrir une négociation sur les paramètres de l’assurance chômage.

Sur ce plan, la ministre chargée du Travail et de l'emploi Astrid Panosyan-Bouvet a indiqué vouloir que l’assurance chômage continue à jouer son rôle de « filet de sécurité tout en incitant plus au retour à l’emploi ».

Ici, il n’y a guère de doute quant au sens de la réforme souhaitée par l’exécutif, la ministre citant au passage des exemples de pays européen où les régimes d’assurance chômage sont plus stricts qu’en France, au moins sur certains points. Selon la ministre, en Allemagne, il faut par exemple avoir travaillé 12 mois au cours des 30 derniers mois pour être indemnisé contre 6 mois au cours des 24 derniers mois en France, tandis qu’en Italie ou en Espagne, les conditions d’affiliation sont plus souples qu’en France mais où l’indemnisation décroît avec le temps (à partir du 6e mois).

Par ailleurs, le Premier ministre et la ministre chargée du Travail et de l'emploi ont tous deux évoqué les « abus » dans le recours aux ruptures conventionnelles individuelles, lorsqu’elles se substituent par exemple à des démissions (avec au surplus une recherche d’emploi qui ne démarre pas de suite) ou à certains licenciements.

Au total, le gouvernement souhaite un accord sur l’assurance chômage qui, tout en préservant les acquis des derniers accords, « affine » :

- les règles d’éligibilité à l’assurance chômage ;

- la durée maximale d’indemnisation (toujours selon la ministre, parmi les plus longues d’Europe, malgré la réforme de la contracyclicité) ;

- les conditions d’indemnisation des ruptures conventionnelles.

Le souhait du gouvernement est que cette négociation aboutisse avant la fin de l’année 2025. La lettre de cadrage devrait être transmise aux partenaires sociaux fin juillet/début août.

À noter : concernant le « dévoiement » des ruptures conventionnelles, la communication du cabinet de la ministre chargée du Travail et de l'emploi a apporté des précisions le 16 juillet. Sur le principe, le spectre des options de modification du dispositif est large : conditions de la rupture conventionnelle, profils du salarié et de l’entreprise, montant et durée de l’indemnisation chômage ou encore délai de carence avant indemnisation (carence), etc. Aucune piste n’est affichée comme privilégiée à ce stade, ce sera un des objets de la négociation des partenaires sociaux sur les ruptures conventionnelles.

Modernisation du marché du travail et amélioration de la qualité du travail

Parallèlement à la négociation sur l’assurance chômage, le gouvernement lancera une seconde négociation, en soumettant plusieurs objectifs et pistes de réflexion aux partenaires sociaux pour « moderniser le marché de l’emploi » et améliorer la « qualité du travail ».

La lettre d’orientation devrait être transmise aux partenaires sociaux fin juillet/début août, avec le souhait d'une négociation aboutissant d'ici la fin 2025.

❶ Sous le volet « modernisation du marché de l’emploi », la ministre chargée du Travail et de l'emploi a regroupé des objectifs variés, présentés comme devant permettre à la France de travailler collectivement davantage.

Le premier objectif évoqué par la ministre est de « fluidifier » le marché du travail. Et de citer, « par exemple », l’idée d’offrir davantage de marge de manœuvre en matière de CDD, de CDI intérimaire ou de CDI de chantier. Ici, la ministre dit vouloir donner la possibilité de négocier au niveau des entreprises par accord « là où c’est uniquement possible aujourd’hui au niveau des branches ».

Le deuxième objectif est de sécuriser la fin du contrat de travail, en réduisant les délais de contestation de la rupture du contrat (hors harcèlement ou discrimination). Même si, selon la ministre, cette mesure pourra « inciter au recrutement », elle intéressera surtout en les entreprises en réduisant les risques de contentieux liés à la rupture du contrat.

Le troisième objectif, c’est l’incitation à augmenter le temps de travail. Ici, Astrid Panosyan-Bouvet a évoqué la possibilité, par exemple, de monétiser la 5e semaine de congés payés.

Enfin, quatrième objectif, celui de freiner l’augmentation des arrêts de travail. Sur ce plan, la ministre chargée du Travail et de l'emploi, Astrid Panosyan-Bouvet, s'est contentée de renvoyer aux propos du Premier ministre (voir plus haut). On en saura sans doute plus à l’occasion de la transmission aux partenaires sociaux du document d’orientation de la négociation, fin juillet ou début août.

❷ Côté « amélioration de la qualité du travail », Astrid Panosyan-Bouvet a cité, notamment :

- la lutte contre le temps partiel subi, en renforçant par exemple les droits des salariés (amplitudes horaires, temps de transports professionnels…) ;

- un objectif de préserver la santé au travail « par un meilleur dialogue social de proximité », avec par exemple une invitation des partenaires sociaux à intégrer le principe d’écoute professionnelle dans les politiques de prévention ;

- la lutte contre les accidents du travail, graves et mortels en particulier, en mobilisant plusieurs leviers (formation, des encadrants, renforcement des pouvoirs de l’inspection du travail, tarification AT/MP, etc.) (voir notre actu du 16/07/2025, « Accidents du travail graves et mortels : la ministre du Travail fixe un cadre d’actions aux partenaires sociaux en vue du prochain plan santé au travail ») ;

- une amélioration de la représentation des salariés dans les conseils d’administration, avec par exemple un abaissement des seuils la déclenchant ;

- le renforcement de la capacité de négociation collective dans les TPE/PME au niveau de l’entreprise et de la branche.

Le Premier ministre veut que 2026 soit une année blanche

Le Premier ministre entend faire de l’année 2026 une « année blanche ».

Concrètement, cela signifie par exemple que :

- les prestations (ex. : les retraites) ne seront pas indexées sur l’inflation ;

- le barème de l’impôt sur le revenu ne sera pas revalorisé (il en irait donc de même des grilles de taux neutres de prélèvement à la source) ;

- les barèmes gouvernant les exonérations de CSG/CRDS, ou le droit à un taux réduit de CSG, sur certains revenus de remplacement (ex. : retraites) ne seront pas revalorisés.

Autres annonces sociales

Parmi les autres mesures sociales évoquées lors de la conférence de presse du Premier ministre, on retiendra :

- la création de l’allocation sociale unifiée (ASU), « pour une solidarité plus lisible afin de donner la priorité au travail » (l’objectif est de déposer un projet de loi au Parlement avant la fin 2025, en coordination avec les collectivités territoriales) ;

- malgré l’échec du « conclave » sur les retraites (aucun accord n’a été signé), la traduction dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026 des avancées néanmoins identifiées par le Premier ministre (ex. : mesures assurant l’équilibre financier du régime, un traitement plus juste notamment des mères de famille, prise en compte de la pénibilité liée aux risques ergonomiques) ;

- une réflexion sur la refondation du financement de notre modèle social, en cherchant d’autres bases que le travail.

Côté « simplifications », le projet de loi de simplification de la vie économique pourrait être définitivement adopté en septembre 2025, mais il contient peu de mesures en matière sociale. François Bayrou a annoncé qu’ensuite, de nouveaux textes de simplification seront proposés tout au long de l’année, mais par ordonnances. L’avenir nous dira si ces ordonnances contiendront des mesures sociales.

Le Premier ministre a annoncé sa volonté de déposer à l’automne 2025 un projet de loi contre la fraude sociale et fiscale, « pour mieux détecter, mieux sanctionner et mieux recouvrer ».

Enfin, on signalera que Mme Catherine Vautrin, ministre du Travail, de la santé, des solidarités et des familles, a évoqué le sujet de l’accompagnement de l’arrivée de l’enfant dans une famille, en permettant notamment aux parents d’avoir plus de souplesse sur la garde d’enfants, en articulant mieux vie professionnelle et vie privée, pour améliorer le taux d’emploi des femmes. Pour répondre à cet objectif, la ministre a évoqué deux réponses possibles, l’évolution du complément de mode de garde, et le congé de naissance. Et de voir là une « capacité très concrète » de travailler sur le sujet dès 2026 « pour être opérationnel en 2027 ».

Conférence de presse du Premier ministre du 15 juillet 2025

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